Une grossesse vitaminée

par ismano Jeu 14 Juil - 13:40

L’intérêt, la sécurité et l'efficacité de la supplémentation en vitamine D (VitD) pendant la grossesse pour la mère et le fœtus sont controversés. La VitD est en effet impliquée dans l’homéostasie squelettique et elle pourrait avoir également des effets sur d'autres systèmes, tels que les systèmes immunitaire, musculaire, cardiovasculaire et neurologique. Par ailleurs, de récentes publications suggèrent une relation entre le statut vitaminique D maternel et les complications au cours de la grossesse comme la prééclampsie ou l’indication à césarienne. Les apports recommandés en vitD ont été fixés à 10 mg/j (400 UI/j).

BW. Hollis et coll. ont entrepris en 2004 un travail prospectif randomisée, en double aveugle contre placebo, d’une durée de 6 ans, afin de savoir si l’administration à des femmes enceintes de 4 000 UI de vitD3/jour était efficace, sans être nocive, pour atteindre une concentration sérique de 25(OH)vitD de 80 nmol/l (32 ng/ml), quelque soit l’ethnie des participantes et le terme de leur grossesse. A noter que le seuil de 80 nmol/l a été choisi en se basant sur des études antérieures qui ont montré qu’une telle concentration était adéquate.

Au total, 494 femmes primipares à 12-16 semaines de gestation ont reçu 400, 2 000 ou 4 000 UI de vitD3/jour. Le critère d’évaluation principal était le taux circulant de 25(OH) D de la mère et du nouveau-né à la délivrance. Parmi les 494 femmes, 350 ont poursuivi l’étude jusqu'à la délivrance. Les moyennes de 25(OH)vitD sérique à l'accouchement et 1 mois avant la délivrance différaient significativement entre les groupes (p < 0,0001). Il en était de même en ce qui concerne le pourcentage de femmes atteignant un taux suffisant de 25(OH)vitD ; ce pourcentage étant le plus élevé dans le groupe 4 000 UI (p < 0,0001).

Les risques relatifs (RR) pour parvenir à un taux ≥ 80 nmol/l dans le mois suivant la délivrance différaient significativement entre les groupes 2 000 UI et 400 UI (RR [risque relatif] = 1,52 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 1,24 à 1,86) et entre les groupes
4 000 UI et 400 UI (RR = 1,60 ; IC95 de 1,32 à 1,95), mais pas entre les groupes 4 000 UI et 2 000 UI (RR = 1,06 ; IC95 de 0,93 à 1,19).

Il n'y avait aucune différence entre les groupes en terme d’effet secondaire.

Les auteurs concluent qu’une supplémentation en vitamine D de 4 000 UI /jour chez des femmes enceintes est bien tolérée et permet d’atteindre des seuils suffisants de vitamine D tout au long de la grossesse et lors de la délivrance.
Ces résultats suggèrent que l'actuelle recommandation de la RDA émise en 2010 par l’IOM (US Institute of Medicine), à savoir 400 UI/jour pour la supplémentation en vitamine D des femmes enceintes, devrait être relevée à 4 000 UI de vitamine D/jour.

Cette étude a cependant quelques limites. Elle a en effet été menée sur une latitude méridionale et les besoins en vitD des femmes qui vivent plus au Nord pourraient être supérieurs. De plus, la supplémentation a été débutée à la 12e semaines de gestation c’est à dire au delà de la période d’organogenèse et la sécurité d’une supplémentation avant ce terme n’est pas certaine.

Dr Juliette Lasoudris Laloux

Hollis BW et coll. : Vitamin D supplementation during pregnancy: Double blind, randomized clinical trial of safety and effectiveness. Journal of Bone and Mineral Research 2011 ; Publication en ligne le 27 juin 2011.